Par GB, TJP. Le 13 Janvier 2025.
Après la deuxième guerre mondiale, de nombreuses entreprises de transport routier sont créées. Elles se développent rapidement de 1949 à 1956 malgré les nombreux décrets de coordination rail route (qui ne seront d’ailleurs jamais appliqués totalement). Les camions ne sont pas encore très performants et les vitesses ne dépassent que rarement 70 km/h pour 19 tonnes de chargement.
– LD 610 Willème (nez de requin) charge 19 tonnes pour une vitesse max de 75km/h.
– 110 MA ou 150 MA Bernard charge 18 tonnes pour une vitesse max de 70km/h.
– GLR Berliet charge de 13 à 16.5 tonnes pour une vitesse max de 70km/h.
– GBM Berliet charge 26 tonnes mais sa vitesse max est de 60 km/h.
Le chemin de fer apporte des avantages qui lui sont propres :
-Masse transportée importante.
-Sécurité.
-Vitesse élevée, 100 km/h en Régime Accéléré.
Au début des années 1950, la SNCF et la FNTR (Fédération National des Transports Routier) jettent les bases d’une politique commune s’inspirant du procédé ‘’Piggy Back’’ employé aux Etats Unis depuis 1953.


Une étude de ‘’ coordination technique ‘’ est lancée dans le cadre de la politique Rail-Route. Son but :
Etudier le cumul des qualités des deux modes de transport, le porte à porte sans rupture de charge pour la route et le transport à longue distance sur des grands axes ferroviaires à faible prix de revient de véhicules routiers gros porteurs.
Résultat :
La SNCF offre aux transporteurs routiers une solution de traction ferroviaire sur des axes précis par l’acheminement des véhicules routiers et des semi-remorques seules sur de grande distance, dans des conditions de fiabilité, de prix et de rapidité plus avantageuses que celles de la route. Ainsi le transporteur conserve son autonomie commerciale et les possibilités de porte à porte.

Les limites du système :
La nécessité de transporter les véhicules couramment utilisés sur la route sans aucune modification pour ces derniers oblige à concevoir un wagon spécifique.
-L’insertion du gabarit routier dans le gabarit ferroviaire : La hauteur disponible entre la plateforme du wagon et le gabarit ferroviaire nécessite l’emploi de wagons le plus surbaissés possible afin de dégager le maximum de hauteur, mais tous les types de camions ne pourront pas être admis.
La limitation en hauteur des ensembles routiers acceptés pour entrer dans le gabarit ferroviaire réduit fortement le nombre de camions.
-L’inconvénient du poids mort (poids du tracteur ou de l’ensemble) est l’augmentation de la masse à transporter.

En 1958, le parc de camions de PTC (poids total en charge) supérieur à 3 tonnes est d’environ 246000 camions et le parc d’ensemble articulé tracteur plus semi-remorque est d’environ 18500 véhicules.
Réglementations techniques des camions en 1956.
Le code de la route fixe les règles suivantes :
-Largeur maximum hors tout 2,50m.
-Longueur maximum hors tout 11m pour les camions à 2 ou 3 essieux.
-Longueur maximum des ensembles routiers articulés 14 m.
-Longueur maximum des ensembles camion et remorque 18 m.
-Charge maximum par essieu 13 tonnes.
-Poids total en charge maximum 19 tonnes pour les camions à 2 essieux, 26 tonnes pour les camions à 3 essieux et 35 tonnes pour les véhicules articulés.
– Aucune limitation en hauteur.

Les wagons surbaissés
Un couplage prototype composé de deux wagons raccords encadrant un wagon intermédiaire est construit en 1956 par FRANGECO (Compagnie Française de Matériel de chemin de fer et Général de Construction, 38 avenue Hoche Paris 8ème).




Le 10 décembre 1956 une présentation du couplage à lieu en gare de Paris Bercy devant les membres de la FNTR et des cadres SNCF. Elle est accompagnée de démonstrations de chargement et de déchargement.


Couplage prototype.
La plateforme du wagon est abaissée au maximum, 0,776 m par rapport au niveau du rail au lieu de 1,20 m pour un wagon classique, par l’adoption de bogies spéciaux avec roues de 650 mm de diamètre. L’emploi de petites roues n’autorise qu’une charge maximum de 12.5tonnes par essieu.
Cette dimension pour les essieux permet de circuler à 100 km/h (vitesse du Régime Accéléré).
L’abaissement du plancher ne permet plus d’intercaler le wagon dans un train ordinaire en raison de la différence de hauteur du tamponnement et d’attelage d’où la nécessité d’avoir recours à des wagons raccords aux extrémités. Ce choix offre la possibilité d’intercaler X wagons intermédiaires et d’envisager la mise en circulation de trains complets avec tous les avantages de ces derniers : rapidité, absence de passage par les triages abaissement du prix de revient de la traction.
L’attelage entre les wagons est réalisé par un attelage automatique Willison.

Caractéristiques du wagon intermédiaire.
-Longueur HT : 16,436 m
-Longueur utile : 15,000 m
-Distance entre pivots de bogies : 11,000 m
-Largeur HT : 2,650 m
-Tare : 16850kg
-Charge limite : 35 t
-Bogies : Y 17
-Frein : A air comprimé automatique à desserrage gradué.

Caractéristiques des wagons raccords.
-Longueur HT : 16,338 m
-Longueur utile : 11,000 m
-Distance entre pivots de bogies : 11,000 m
-Largeur HT : 2,650 m
-Tare : 17500kg
-Charge limite : 35 t
-Bogies : Y 17
-Frein : A air comprimé automatique à desserrage gradué.


Chargement, deux solutions retenues :
-Rampes mobiles placées au centre du couplage après séparation de la rame en deux parties.
Ce qui permet de diminuer les coûts de manutention et d’installations fixes dans les chantiers terminaux.
-Chargement depuis un quai en bout. Cette solution nécessite une pente douce (pente de 8%) pour permettre aux camions l’accès à la plateforme surbaissée du wagon.


Les camions et ensembles routiers se chargent par leurs propres moyens.
Le parc routier est constitué de gros porteurs et d’ensembles articulés. La solution la plus économique et la plus rationnelle est le transport de la seule semi-remorque.
Pour permettre le transport de la semi-remorque seule, il faut réaliser cette opération par refoulement afin d’évacuer le tracteur. Cette manœuvre longue et difficile, surtout sur plusieurs wagons successifs, a été résolue par un procédé breveté par l’UFR (société pour l’Union des transports Ferroviaire et Routiers).
Principe du brevet UFR :
-Des chariots de guidage sont fixés au moyen de crochets aux essieux et à la servante (béquilles) de la semi-remorque.
-Le wagon est muni de rails de guidage (partie haute de la poutre centrale du châssis).

La rampe mobile de chargement prototype, possède en partie haute des plaques transversales mobiles permettant de centrer la semi-remorque sur le wagon par l’intermédiaire des chariots. La manœuvre de refoulement est ainsi facilitée et rapide.

Le chargement peut être effectué par le tracteur ou par un tracteur de manœuvre à sellette élévatrice à quatre roues motrices. Cette solution offre plus de liberté dans les temps de chargement et de déchargement (prise ou dépose de semi-remorque sur le parc de stationnement). Le principe UFR de guidage n’est pas retenu, les rampes mobiles sont simplifiées.

Calage.
Le calage est réalisé par des cales conçues et mises au point par la Compagnie Nouvelles de Cadres (CNC) voir dossier Docrail ‘’les wagons prototypes de la CNC pour la route roulante’’.
Des encoches au niveau de la poutre centrale et des crémaillères amovible sur le bord du wagon offrent de nombreuses possibilités de calage.




Les Essais et démonstrations
En 1958, la SNCF effectue des essais de transport de camions avec ce prototype sur la relation Paris-Bordeaux en incorporant le couplage dans des trains directs du Régime Accéléré. Les résultats sont satisfaisants, mais elle est consciente que cela a un intérêt restreint du fait de la limitation en hauteur des ensembles routiers acceptés.





Il est donc décidé de construire une première série de 50 wagons surbaissés pour tester la formule à plus grande échelle.
Les wagons de la route roulante.
Ils sont construits par le tandem FRANGECO-SNAV.
Les wagons intermédiaire.
Trente-huit wagons sont construits selon le même principe que le wagon prototype mais avec des caractéristiques différentes.
Le dessus du wagon se présente comme une piste, les plateformes latérales servent de chemin de roulement, longueur utile 12,500m.
Une poutre centrale supporte les deux plateformes latérales abaissées.

Caractéristiques.
-Longueur HT : 13,710 m
-Longueur utile : 12,500 m
-Distance entre pivots de bogies : 9,300 m
-Largeur HT : 2,650 m
-Tare : 16000kg
-Charge limite : 34 t
-Bogies : Y 17 A
-Frein : A air comprimé automatique à desserrage gradué.

Les wagons raccord.
Douze wagons sont construits selon le même principe que les deux wagons prototypes mais une extrémité est différente. La partie en pente est supprimée. Des cales placées dans des paniers sous le châssis permettent de réaliser une pente de 8% en cas de chargement par un quai en bout.




Le dessus du wagon se présente comme une piste, la poutre centrale supporte les deux plateformes latérales servant de chemin de roulement, longueur utile 10,900m. les plateformes sont recouvertes de tôles striées anti-dérapantes.
Une extrémité comporte une traverse de tamponnement et d’attelage à hauteur standard pour raccordement avec la locomotive ou des wagons classiques.

Devant le manque de wagons raccord, douze pour 3 relations, en 1962, deux wagons intermédiaires sont modifiés en wagon raccord par ajout à une extrémité d’une traverse de tamponnement et d’un attelage classique.


Caractéristiques.
-Longueur HT : 13,725 m
-Longueur utile : 10,900 m
-Distance entre pivots de bogies : 9,300 m
-Largeur HT : 2,650 m
-Tare : 17000kg
-Charge limite : 33 t
-Bogies : Y 17 A
-Frein : A air comprimé automatique à desserrage gradué. Frein à vis manœuvrable du sol.


Liaison entre les wagons
Les wagons sont raccordés entre eux par un attelage automatique de type Willison sans tampon ce qui permet de couper facilement les rames dans les chantiers afin de faciliter et d’accélérer les opérations de chargement et de déchargement.

Le passage d’un wagon à l’autre est possible grâce à des passerelles mobiles fixées sur les wagons.
La solution du chariot de guidage est abandonnée, le nombre de semi-remorques seules à transporter est faible, et le gabarit ferroviaire limite la hauteur de celles-ci. La solution retenue pour les semi-remorques rentrant dans le gabarit est celle de l’avant train à un essieu et sellette aussi dénommé »dolly ».
Les wagons ne sont pas aptes au passage sur les bosses des triages.

Bogie Y17A.
Caractéristiques.
-Entre axes des essieux : 2 m.
-Essieux type 957.
-Boites d’essieux à rouleaux.
-Ressorts à lames à flexibilité variable.
-Diamètre des roues : 660 mm.

Gestion de la route roulante.
La SEGI.
En 1956 la Société d’Equipement de Grands Itinéraires (SEGI) est créée. Adresse : 66 rue de Monceau Paris 8ème . Elle est constituée :
-De 50% de capitaux privés (banques, constructeurs d’automobiles et de semi-remorques).
-De 50% de capitaux de filiales ou de sociétés liées à la SNCF (SCETA, CNC, SOFRAMIXTE).
SCETA : Société pour le Contrôle et l’Exploitation des Transports Auxiliaires.
CNC : Compagnie Nouvelle des Cadres.
SOFRAMIXTE : Société FRAnçaise pour le développement MIXTE.
Elle prend en main la nouvelle technique en liaison étroite avec la SNCF. Elle étudie les investissements nécessaires, décide des caractéristiques, fait construire et achète les wagons, elle fournit aussi les rampes mobiles dans les chantiers. Elle loue les wagons à un exploitant.


La STEMA.
La Société de Traction et d’Exploitation de Matériel Automobile (STEMA) est créée en 1958.
Adresse rue des Marais à Créteil.
Elle est détenue :
-A 51 % par 285 transporteurs routiers.
-Pour le reste par la SCETA et la SOFRAMIXTE.
Elle est chargée de la mise en œuvre commerciale du système. Elle exploite les chantiers et le matériel. Le personnel de la STEMA effectue la mise en place des rampes mobiles sur les chantiers. Les chargements et les déchargements des véhicules routiers sont effectués par les chauffeurs eux-mêmes, sous les ordres du personnel du chantier. Les calages des camions sont effectués par le personnel STEMA. Le personnel de la STEMA charge ou décharge avec un tracteur de parc les semi-remorques sans tracteur laissées en stationnement sur le parking.
Règle de chargement :
Les camions doivent toujours être chargés de façon à avoir l’avant dans le sens de la marche du train.





Les chantiers
La SNCF prend en charge les investissements nécessaires à la création des chantiers terminaux et les met à la disposition de l’exploitant la STEMA.

Les chantiers terminaux ne comportent aucune installation fixe, juste une voie noyée dans le sol de la zone de chargement ou de déchargement. Après séparation de la rame en deux éléments, généralement après un wagon raccord, les camions accèdent à la plateforme des wagons par leurs propres moyens, en marche avant, à l’aide d’une rampe mobile de chargement (rampe manœuvrée par tracteur routier). Les camions descendent des wagons par la même rampe, en marche avant.
Les chantiers terminaux comportent :
-Un bureau commercial.
-Des locaux annexes pour le personnel et pour les chauffeurs des sanitaires et un réfectoire.
-Un pont bascule.
-Un gabarit de chargement sous lequel les véhicules doivent obligatoirement passer
-Un garage pour les tracteurs de manœuvres.
Les utilisateurs disposent dans ces chantiers de parkings, d’un atelier pour y effectuer de petits entretiens (niveaux huile et eau, pressions des pneus)


Exploitation.
L’emplacement des chantiers est choisi en fonction des facilités d’accès routiers et de la desserte ferroviaire.

Pour Paris et la région parisienne :
-Un chantier à Créteil, rue des Marais, à proximité du triage de Villeneuve saint Georges. Chantier dénommé Maisons-Alfort Pompadour. Facile d’accès routier depuis la nationale 6 et le carrefour Pompadour, Il est raccordé à l’artère Sud-Est et à l’artère Sud-Ouest par Juvisy.
Province :
-Un chantier est construit à Bordeaux, 106 quai de Queyries.
-Un chantier à Toulouse, Avenue de Lyon.
-Un chantier à Lyon Guillotière, 131 rue Challemel Lacour, gare de Montagny-Moulin à Vent.
Deux autres relations sont étudiées Paris-Marseille et Paris-Savoie pour 1961/62, elles sont transformées en technique kangourou.
Mise en service des relations.
-Le 01 avril 1959, Paris-Bordeaux.
-Le 15 septembre 1959, Paris-Lyon.
-Le 01 mars 1960, Paris -Toulouse.
Trois acheminements par trains spécialisés entre le chantier de Paris et ceux de province sont proposés en saut de nuit départ le soir, arrivée le matin circulant à la vitesse de 100km/h.
Départ de Pompadour 21h33, arrivée à Bordeaux 07h43.
Départ de Bordeaux 20h35, arrivée à Pompadour 05h57.
Départ de Pompadour 20h53, arrivée à Lyon 06h55.
Départ de Lyon 21h00, arrivée à Pompadour 05h07.
Départ de Pompadour 22h01, arrivée à Toulouse 10h09.
Départ de Toulouse 01h37, arrivée à Pompadour 13h16.


Dans un premier temps les chauffeurs routiers empruntent des trains de voyageurs réguliers, places réservées par la STEMA.
-Relation Paris-Bordeaux : trains 33 (Paris Austerlitz 22h53, Bordeaux 6h30) et 34 (Bordeaux 22h30, Paris 6h35).
-Relation Paris-Lyon : trains 109 (Paris 23h50, Lyon 6h33) et 110 (Lyon 00h10, Paris 6h40).
-Relation Paris-Toulouse : trains 1023 (Paris Austerlitz 21h53, Toulouse 7h20) et 1022 (Toulouse 00h11, Paris 8h30).
Les acheminements des chauffeurs sur les relations Bordeaux et Toulouse ne sont pas satisfaisants. La solution adoptée pour ces deux relations est la voiture couchette incorporée directement à la route roulante.
Voitures couchettes.
Profitant de la modernisation des voitures Ty Est par les ateliers de Romilly, la SNCF fait modifier cinq de ces voitures en couchettes dans le but d’accompagner les trains des poids lourds Express sur les grands parcours nocturnes. D’aspect extérieur identique aux Romilly.

Elles sont équipées :
-De seize couchettes de 2éme classe.
-D’un wc.
-De trois compartiments lavabos.
-D’un chauffage autonome.
Elles ne comportent ni mention de classe, ni Fumeurs ou Non Fumeurs.
La voiture couchette est toujours placée en tête des trains. Elles sont toujours utilisées sur les relations Paris Toulouse et Bordeaux.







Fin du service.
En 1965, le code de la route porte la longueur des ensembles articulés à 15m et le poids total à 38 tonnes. Ces augmentations de dimensions et de poids ainsi que l’augmentation importante du nombre d’ensembles articulés, tracteur plus semi-remorque diminue de manière importante le nombre de camions pouvant être acheminés par cette technique. Parallèlement le développement du wagon Kangourou à essieux (KE) et à bogies (SK et KB), amènent la STEMA à abandonner la technique du wagon surbaissé pour poids lourds en 1970. Il faut attendre 2003 pour revoir une route roulante circuler en France (circulation entre Aiton et Orbrassano en l’Italie).
Sept couplages de deux wagons sont conservés et modifies pour les services de l’équipement en 1971 afin d’assurer le transport des bourreuses-dresseuses ou des draisines entre les différents chantiers d’entretien de voies. Ceci évite le démontage des mécanismes complexes qui d’ailleurs s’accommodent mal des acheminements en véhicule ou Haut Le Pied.



Les autres wagons surbaissés sont vendus au chemins de fer Yougoslaves en 1972, pour le lancement d’une route roulante.
Les 5 voitures couchettes sont retirées du service en 1971 et versées au parc de service. Elles seront détruites en 1981.
Utilisation spéciale des wagons de la route roulante.
Pour des besoins spécifiques les wagons de la route roulante sont utilisés pour transporter des véhicules routiers ou autres. La série de quatre photos qui suit a été réalisé en 1966 pour le transport de matériel Flexi-Van de l’US ARMY.



