Par GB, TJP et FP. le 27 Août 2021
La compagnie du MIDI, ne disposant pas de ressources en charbon, mise, dès le début du 20 ème siècle, sur l’électricité. Suite à de nombreuses études, elle élabore un plan d’électrification avec la construction de barrages hydrauliques dans les Pyrénées. Les lignes Pyrénéennes seront électrifiées en 12000V monophasé à la fréquence de 162/3 Hz. La première ligne mise en service est Perpignan-Villefranche en 1913, d’autres suivent, Lourdes-Pierrefitte en 1914, Tarbes-Bagnères de Bigorre en 1915, Lannemezam-Arreau en 1917 ainsi que Pau-Lourdes la même année. Suite au premier conflit mondial et sur décision ministérielle, le 1500V continu est imposé pour toutes les électrifications. La compagnie du MIDI doit reconvertir ces lignes déjà sous tension. La première circulation d’une machine à courant continu 1500V a lieu le 30 octobre 1922 entre Tarbes et Pau. L’opération de conversion est totalement terminée en 1923. Parallèlement, elle continue le programme d’électrification mise en place en 1909 mais en 1500V CC. En 1925 la longueur de lignes sous tension atteint 400km. Les ingénieurs du MIDI fortement influencés par une machine du North-Eastern (Grande Bretagne) étudient et développent une série de machines à adhérence totale, qui aura une longue descendance.
E 4001 à 4020 et E 4501 à 4530 1 ère tranche.
Les machines doivent pouvoir:
-Circuler sur des voies avec un armement léger (rail DC).
-Assurer un service voyageurs ou marchandises.
-Assurer la retenue des trains dans les pentes par freinage par récupération (renvoi du courant dans la caténaire).
-Circuler en Unité Multiple (UM).
Les sous-stations doivent être réversibles pour le freinage par récupération.
La configuration retenue est du type BB avec moteurs indépendants suspendus par le nez.
Cinquante machines sont commandées en Angleterre, 20 exemplaires pour les trains de marchandise et 30 pour trains de voyageurs, la seule différence résidant dans le rapport de réduction pour obtenir des vitesses de 60 et 90 km/h.
Les machines sont livrées en pièces détachés par Dick-Kerr et assemblées dans les usines de Constructions Electriques de France, CEF, à Tarbes. Les premières locomotives sont mises en service à l’automne 1922.
Série E 4001 à 4020 pour les trains de marchandises, rapport d’engrenages 76/15 (5,066) VL 60 Km/h. Mise en service 1922/23.
Série E 4501 à 4530 pour les trains de voyageurs, rapport d’engrenages 69/22 (3,136) VL 90 km/h. Mise en service 1923.
Longueur HT: 11,850 m
Entre axe pivot de bogies: 5,550 m
Entre axe des essieux: 2,800 m
Diamètre des roues: 1,40m
Tare: E4000 :74200 kgs, E4500 : 73000kgs
Les Bogies.
Ils comportent:
-Deux longerons simples en tôles d’acier de 30mm d’épaisseur.
-Une traverse de tête caissonnée en tôles et cornières. Elle supporte les organes de choc et de traction.
-Une traverse centrale en acier moulé (traverse pivot), incurvée vers le bas en partie centrale pour recevoir le pivot de bogie. Une traverse comporte un pivot fixe, l’autre un pivot sur glissière longitudinal.
-Une traverse intérieure en tôles et cornières.
-Deux moteurs Dick-Kerr (DK 80, construction anglaise) suspendus par le nez à la traverse pivot.
-Transmission moteur-roues du type bilatérale par engrenages rigides.
-Quatre sablières Gresham fixées sur les longerons.
Les bogies sont reliés entre eux par une double barre d’attelage avec faux tampons. Chaque traverse comporte une pièce mâle et pièce femelle. Elles sont montées de sorte que la partie mâle s’emboite dans la partie femelle. Un attelage à tendeur à vis central prend appui au moyen de ressorts en volute CEF sur la traverse intérieure. Une barre de sécurité est placée au-dessus.
Les boites à huile sont du type Delannoy.
Suspension par ressort à lames au-dessus de boites d’essieux, reliées au châssis de bogie par des tiges avec ressorts à boudin logés dans une boite fixée au châssis de bogie.
Frein.
Chaque bogie comporte:
-Huit sabots commandés par deux timoneries de frein (une par côté).
-Deux cylindres verticaux. Un par timonerie.
-Une commande de frein à vis agissant sur un palonnier entrainant les deux timoneries. Un volant de commande dans chaque cabine de conduite.
-Une Triple VaLve.
Caisse.
Elle est métallique et rivetée sur un châssis ceinturant le bas de caisse. Le châssis est en tôle de 12 mm d’épaisseur et de 392 mm de haut.
Les faces latérales de la caisse sont entrecroisées par:
-Deux traverses-caissons en tôles situées dans l’axe du pivot de bogie.
-Deux traverses centrales en I.
-Une traverse en U sous chaque poste de conduite.
Le plancher est constitué d’une tôle de 7 mm d’épaisseur.
La caisse se divise en trois parties. Les deux cabines de conduite encadrant la partie centrale et comportant l’appareillage électrique.
Un couloir central relie les postes de conduite. L’accès se fait depuis le poste de conduite par une porte coulissante avec baie vitrée.
Chaque cabine comporte en face frontale une porte centrale avec passerelle mobile pour permettre l’intercirculation avec l’UM ou le fourgon chaudière.
La Liaison caisse-bogie est assurée par les pivots de bogie et les équilibreurs élastiques. Ressort à lames suspendu aux extrémités par des menottes fixées au châssis de bogie, la caisse reposant au centre du ressort sur une crapaudine.
Huit petites persiennes par face ainsi que quatre vitres ouvrantes, placées au centre de la caisse, assurent la ventilation.
Partie électrique.
En toiture, deux pantographes type D à montée par ressort et descente par air comprimé assurent le captage à la caténaire. Ils sont reliés par quatre câbles de cuivre (section 100,2mm2 chacun). Le circuit électrique de la machine est relié aux câbles par une boite de connexion.
Le pantographe abaissé est immobilisé par un cliquet manœuvrable à l’air comprimé ou par un verrou à main dans chaque cabine.
En cas de non fonctionnement du système de descente pneumatique, une corde placée en cabine de conduite et fixée au centre du pantographe permet de le descendre en urgence. Pour cette raison, le règlement préconise d’utiliser le pantographe avant dans le sens de la marche.
L’appareillage est disposé de part et d’autre du couloir central dans des armoires.
La commande et le couplage des moteurs en série et série/parallèle sont assurés par des arbres à cames commandés par un moteur électrique DK alimenté en 120Vcc.
Quatre moteurs à courant continu série DK 80 de 250 Cv à quatre pôles principaux avec pôles auxiliaires de commutation refroidis par ventilation forcée.
Freinage par récupération:
-Entre 20 et 37 km/h pour les engins moteurs avec réduction marchandises.
-Entre 32 et 60 km/h pour les engins moteur avec réduction voyageurs.
Les circuits électriques de puissance sont protégés par un sectionneur, un fusible disjoncteur. Les circuits de commandes et de contrôles sont alimentés en 120Vcc fourni par un groupe moteur-générateur.
Un compresseur Westinghouse type F à deux cylindres est entraîné à 650 tr/min par un moteur électrique alimenté en 120Vcc. Il débite 1800 litres/mn. Sa mise en marche est automatique lorsque la pression dans les réservoirs est inférieure à 5 bars et son arrêt lorsque la pression a atteint 7 bars.
Groupe moteur-générateur
Un moteur alimenté en 1500Vcc entraine:
-Un générateur fournissant la tension constante du 120Vcc.
-Un générateur à tension variable fournissant le courant d’excitation des moteurs en freinage par récupération.
A chaque extrémité de l’arbre est calé un ventilateur assurant la ventilation forcée des moteurs de traction (38 m3/mn).
En cabine de conduite le mécanicien dispose:
-D’un manipulateur principal à tambour pouvant occuper 19 crans et assurant les couplages :
- Cran 1 à 9 élimination du rhéostat et marche en série.
- Cran 10 à 15 élimination du rhéostat et marche en parallèle.
- Cran 16 à 19 marche en parallèle avec shuntage.
-D’un manipulateur à tambour d’inversion et de freinage par récupération pouvant occuper cinq positions:
- Marche avant en traction
- Marche avant en freinage
- Neutre
- Marche arrière en traction
- Marche arrière en freinage
-D’interrupteurs de commande pour fonctions annexes.
Cette première série de machines nécessitera une longue mise au point. Rapidement le freinage par récupération s’avère peu fiable et pose problème, principalement pour les trains de marchandises ; en 1922/23 un grand nombre de wagons de marchandises ne sont pas encore équipés du frein continu automatique et en cas de défaillance du système de freinage électrique par récupération, les conditions de freinage ne sont plus remplies pour la circulation dans les pentes.
Fonctionnement du freinage par récupération:
Les moteurs sont transformés en générateurs à excitation séparée. Le mécanicien agit sur l’excitation de la génératrice du groupe de récupération pour régler l’effort de retenue. En cas de défaillance du frein électrique, le frein pneumatique entre automatiquement en action.
Le réseau du MIDI prendra la décision de ne plus utiliser les E 4001 à 4020 sur les trains de marchandises et de les modifier pour trains de voyageurs en adoptant le rapport de réduction des E 4501 à 4530. Dès 1926 cette modification sera effectuée dans les usines CEF de Tarbes et elles seront renumérotés E 4531 à 4550. Le passage en atelier sera mis à profit pour remplacer certains appareils électriques (sectionneur et fusible disjoncteur par un disjoncteur ultra rapide), renforcer la ventilation des moteurs, modifier les circuits électriques, remplacer le freinage par récupération par un freinage rhéostatique et supprimer la possibilité de circuler en UM. Ces modifications seront aussi appliquées aux E 4501 à 4530.
E 4001 à 4040 2ème tranche
L’expérience acquise, par la compagnie du MIDI, avec cette première tranche, permettra de concevoir, dès 1923, une seconde tranche de machines pour train de marchandises.
Les principes techniques et les dimensions de la première tranche sont repris ainsi que les moteurs DK 80. Pour cette seconde tranche, le frein électrique retenu sera le frein rhéostatique (les moteurs transformés en génératrice débitent dans le banc de résistance). Les faces latérales de la caisse sont équipées de deux grandes persiennes sur toute la hauteur. Sur une face les quatre vitres centrales sont remplacées par quatre des persiennes. Abandon de la possibilité de circuler en UM. Une commande pour 40 machines est passée aux usines CEF de Tarbes en 1925.
Elles sont numérotées E 4001 à 4040 rapport d‘engrenage 5,066, Vitesse limite 70 km/h. Mise en service 1926/27.
Ces engins moteurs ne peuvent pas assurer le chauffage électrique des rames voyageurs.
Pour éviter toute confusion avec les machines de la première tranche en cours de modification les machines mises en service en 1926 sont immatriculées E 4021 à 4040. Les 4001 à 4020 seront mises en service en 1927, une fois les E 4001 à 4020 de 1922 transformées en 4531 à 4550.
Les moteurs DK 80 ayant tendance à chauffer, la décision est prise en 1931 de modifier certaines machines en changeant les moteurs d’origine par des M1 Alsthom (voir E 4600). Cette modification sera effectuée sur 7 machines qui seront renumérotées E 4593 à 4599.
Numérotations successives :
-Les E 4001 à 4020 1ére tranche de 1922 deviennent E 4531 à 4550.
-Les E 4500 à 4530 de 1922/23 1ére tranche avec les E 4531 à 4550 seront numérotées BB 4501 à 4550 à la SNCF.
-Les BB 4501 à 4550 deviendront des BB 1600 après modifications.
-Les E 4001 à 4040 2 ème tranche de 1927 seront numérotées BB 4001 à 4040 à la SNCF. Elles deviendront des BB 1500 après modifications.
BB 1500 ex E 4000, 2 ème tranche.
Au sortir du second conflit mondial l’accroissement du trafic marchandises et la mise en service de nouveaux triages électrifiés et dans le but de supprimer les locomotives à vapeur de manœuvre dans les zones électrifiées en 1500Vcc, la région Sud-Ouest décide de modifier les BB 4001 à 4040 de la deuxième tranche en machine de manœuvre. Elles sont renumérotées après modification BB 1501 à 1540.
Une première modification est réalisée en 1947 par les ateliers SNCF de Béziers:
-Suppression du freinage rhéostatique.
-Modification des couplages moteurs par de nouveaux couplages série et série-parallèle.
-Modification du shuntage (2 crans).
-Suppression des ventilateurs moteurs.
Elles sont renumérotées BB 1501 à 1540. Elles conservent leur numéro d’ordre dans la série (BB 4002=BB 1502). Tranche des 1000 réservée aux machines de manœuvre.
Elles sont affectées dans les dépôts de:
St Pierre des Corps, Angoulême, Brive, Limoges.
Une seconde modification aura lieu à partir de 1953 au cours de la GRG (Grande Révision Générale):
-Suppression du groupe moteur-générateur remplacé par des batteries 72V.
-Nouveaux câblage complet de la machine Basse Tension et Haute Tension.
-Changement du disjoncteur.
-Commande des pantographes par électrovalve.
-Modification du pupitre de conduite (Volant de commande à la place des manettes).
-Mise en place de deux petits lanterneaux sur la toiture.
-Installation d’un groupe moteur-compresseur 1500Vcc.
Elles sont affectées dans les établissements de:
Bordeaux, Bayonne, Limoges, Tours st Pierre, Coutras, Tarbes, Angoulême, Vierzon, Poitiers, Portes les Valence, Béziers.
Au cours des années 60, des machines seront affectées à Paris Sud-Ouest, Lyon Mouche, Avignon et Marseille-Blancarde.
Les BB 1500 seront retirées du service et ferraillées entre 1970 et 1979.
BB 1600 ex E 4500, 1 ère tranche.
A la même période, les BB 4500 ex E 4501 à 4550 de la première tranche passent aussi en GRG mais aux ateliers SNCF d’Oullins où elles sont transformées en machines de manœuvre entre 1954 et 1957.
-Suppression du freinage rhéostatique et du groupe moteur-générateur remplacé par des batteries de 72V.
-Modification des couplages moteurs par de nouveaux couplages série et série-parallèle.
-Modification du shuntage (2 crans).
-Suppression des ventilateurs moteurs.
-Nouveau câblage complet de la machine BT et HT.
-Changement du disjoncteur par un JRP 307B.
-Commande des pantographes par électrovalve.
-Modification du pupitre de conduite.
-Installation d’un groupe moteur-compresseur 1500Vcc.
-Modification du rhéostat de manière à pouvoir rester sur les crans en marche lente.
-Modification du rapport de réduction (5,368) Vitesse Limite: 50km/h.
-Le nouveau câblage permet l’utilisation en UM, mise en place de câblots UM et de prises UM.
-Mise en place de lest pour obtenir une tare de 76 000 kg.
Elles sont renumérotées BB 1601 à 1650. Elles conservent leur numéro d’ordre dans la série (BB 4510=BB 1610).
Les BB 1601 à 1650 se décomposent:
-BB 1601 à 1643 équipées de moteurs DK 80 d’une puissance aux arbres moteur en régime continu de 460 CV. VL 50 km/h.
-BB 1644 à 1650 équipées de moteur Alsthom M1 d’une puissance aux arbres moteurs en régime continu de 760 CV. VL 70 km/h.
Les BB 1600 sont affectées dans des établissements des régions Sud-Ouest et Sud-Est où elles assurent les manœuvres et remontes entre les gares et les chantiers.
Remontes: Circulations entre la gare voyageurs et le chantier de remisage ou d’entretien et inversement pour la mise en place des voitures ou le retrait des rames. Certains chantiers sont éloignés des gares ex Paris-Lyon et Villeneuve Prairie, Paris Montparnasse et Montrouge-Châtillon, ou encore plus loin, comme Brètigny pour Paris Austerlitz et obligent à circuler sur voie principale. Ces circulations sont dénommées Evolution et sont régies par un règlement spécifique.
La possibilité de circuler en UM à faible vitesse est appréciée dans les triages pour le débranchement des rames à la butte.
Les BB 1500 et 1600 aux Services de manoeuvres.
La fin.
Les autres BB Midi et dérivés, pour ne pas les confondre.
Les E4100 et 4600 ainsi que les E 4200 et 4700 seront traitées dans un prochain dossier Docrail.