Par 2B, JPT, GB le 02 mars 2020
L’origine du record du monde de vitesse de mars 1955 remonte à la décision de l’électrification de la ligne Paris-Lyon et de porter la vitesse commerciale à 140 km/h. Des essais à grande vitesse sont réalisés en février 1954 sur la section Dijon-Beaune. Cette section est choisie car elle répond à trois critères :
-Absence de courbes avec rayon inférieur à 3000 mètres.
-Installations fixe de traction électrique moderne.
-Caténaire lourde limitant le soulèvement.
Cinq jours d’essais avec montée progressive en vitesse:
165 km/h le 17 février puis 185km/h le lendemain, 222 km/h, 232 km/h et 243km/h le 21 février 1954.
Ce record est établit avec une rame composée de la CC 7121 et de trois voitures DEV U50 A3B5 myfi (charge 111 tonnes). Tout ce matériel n’a subi aucune modification, seules les roues sont neuves.
Ces essais permettent d’envisager d’explorer des vitesses supérieures. Il est donc décidé de faire des essais à très grandes vitesses.
Après avoir passé en revue les différentes sections de ligne, seule la section Bordeaux-Dax répond aux critères alignements et courbes.
Une première série d’essais de captage à lieu entre Morcenx et Lamothe avec la CC 7122 et une rame composée de trois voitures DEV U50 C10 myfi. Les pantographes de type G sont équipés avec des semelles légères avec tête à biellettes symétriques du fait de la caténaire légère à un seul fil de contact. Les montés progressive en vitesse de 140 km/h à 225 km/h sont effectuées les 22 et 23 juin 1954. Rapidement il apparaît que l’alimentation électrique est faible et devra être renforcé aux niveaux des sous-stations. Trois sous-stations mobiles sont installées en renfort sur le parcours de monté en vitesse.
Une nouvelle campagne d’essais de captage débute en novembre et décembre 1954. Son but est d’étudier le captage d’une intensité de 4000 ampères. La rame est composée de la CC 7107, de la CC 7113 en double traction et de 17 voitures (Charge 724t). Circulations à des vitesses de 165 à 195 km/h les 30 novembre et 1 décembre. Le 2 décembre une marche à 210 km/h avec 15 voitures (Charge 626t) permet de mesurer une intensité de 4000A captée. Cette seconde campagne d’essais, met en évidence un problème de retour de courant de traction aux niveaux des roues des engins moteurs avec de fortes étincelles.
Essais préliminaires avec la CC 7113 non modifié sur la zone d’essai à 175 km/h pour déterminer les parties de caténaire à améliorer pour parfaire le captage.
CC 7107
Pour le record le rapport d’engrenages d’origine (R: 2,606) est modifié pour les essais à grande vitesse. Le nouveau rapport d’engrenages adopté après calcul est R: 1,145 . Les roues à bandage sont remplacées par des roues monobloc. Un capot profilé est placé à l’avant du lanterneau pour améliorer l’aérodynamisme. Un carénage coté rame permet le montage du soufflet extérieur.
Acheminement
Les rames et les machines sont rassemblées le 21 mars à Bordeaux sur la base d’essais pour installation des soufflets extérieurs, des câblages de retour de courants depuis les 2 voitures de tête et des liaisons téléphoniques.
BB 9004
Pour le record le rapport d’engrenages d’origine (R: 2,517) est modifié pour les essais à grande vitesse. Le nouveau rapport d’engrenages adopté après calcul est R: 0,85 . Les roues à bandage sont remplacées par des roues monobloc.
Le 12 mars 1955 la BB 9004 sort des ateliers du Creusot et rejoint la CC 7107 à l’atelier SNCF de Vitry pour modifications électriques.
Lors de ces essais, l’histoire nous a laissé un rapport dont voici quelques comptes rendus :
– la CC 7107 : son comportement dynamique fut jugé globalement bon, la locomotive montrant une certaine stabilité : toutefois, à l’arrivée à Morcenx, les silentblocs des bielles de la transmission du mouvement aux roues avaient entièrement fondu, les têtes de bielles étant ovalisées, laissant supposer les énormes contraintes auxquelles ces pièces avaient été soumises.
– la BB 9004 : son pantographe a commencé à se dégrader fortement à plus de 250 km/h. La locomotive a disjoncté entrainant une vive coupure de la traction entrainant à son tour un violent mouvement de lacet du bogie arrière, ce qui a eu pour conséquence la déformation de la voie sur plusieurs dizaines de mètres. Par bonheur, le pantographe de secours a pu être levé autorisant la reprise de la traction. Arrivée à la limite du domaine d’essai signalant la zone de freinage, la locomotive continuait d’accélérer.
Tout le monde connait l’histoire, c’est la BB 9004 qui fut sélectionnée pour la performance : c’était la plus française des quatre prototypes ( BB 9001/9002/9003/9004) .
Elle seule aurait roulé à 331 km/h, contre 320 km/h pour la CC 7107. On dit aussi que le 29 mars 1955, la température extérieure était supérieure de 10° C que celle de la veille (28 mars pour la CC 7107) ce qui aurait légèrement défavorisé la BB 9004. Quoiqu’il en soit, le Directeur des essais avait déclaré les deux locomotives ex-æquo afin de ne pas défavoriser un constructeur par rapport à l’autre.
Résultat des courses : Alsthom a bien exporté ses CC alors que MTE a fourni une descendance à la BB 9004 de plus de 300 locomotives pour la France uniquement.
LES VOITURES DEV U46
On parle toujours des BB 9004 et CC 7107 qui ont roulé à 331 km/h, on ne parle jamais des 6 DEV C10myfi U46 qui ont aussi roulé à 331 km/h.
Suite aux essais entre Dijon et Beaune en février 1954, une étude d’aérodynamisme à la soufflerie de St Cyr permet d’apporter des solutions à la résistance à l’avancement. Pour améliorer l’aérodynamisme les voitures DEV U46 comportant des jupes latérales descendants au plus près du sol sont choisies. Une maquette au 1/20 éme composée d’une CC 7100 et de trois DEV U46 est testée en soufflerie. D’autres modifications sur la maquette seront appliquées aux rames d’essais (carénages, soufflets extérieurs…).
Composition des deux rames:
-BB 9004, DEV U46 n° 43006; 43068 et 43044.
-CC 7107, DEV U46 n° 43037; 43040 et 43035.
Les 6 voitures sont modifiées:
-Remplacement des bogies Y16 d’origine par des Y16 renforcés emboutis et soudés identique au Y 16 des DEV U50.
-Les boites d’essieux à roulements SKF des 2 premières voitures de chaque rame sont modifiées pour permettre le retour d’une partie du courant de traction. Ce dernier est ramené à la machine par des câbles.
-La dernière voiture est équipée de boites à roulements Timken.
-Tous les bogies sont équipés de roues monobloc.
-Pour améliorer le freinage des sabots à double semelle remplacent les sabots d’origine.
-Les deux voitures de tête sont équipées de 2 antennes radio-téléphoniques et de deux périscopes pour observation des pantographes.
Pour améliorer l’aérodynamisme des rames :
-Suppression des aérateurs en toiture, des poignées montoires et des marchepieds. Un accès est conservé à chaque extrémité des rames.
-Mise en place de soufflet spéciaux à enveloppement totale entre les voitures.
-Mise en place d’un appendice de forme aérodynamique pour réduire la trainée avec poste de pilotage pour refoulement de la rame.
Lors de la cérémonie des 50 ans du Record de vitesse de 1955, deux agents qui avaient voyagé dans la rame, ont témoigné qu’ils étaient casqués et présents pour ouvrir les fenêtres afin de contribuer au freinage de la rame après l’exploit. L’un a dit qu’il avait eu la « trouille de sa vie » quand la rame a franchi la voie déformée par la BB 9004. Il avait ajouté qu’à l’époque, il avait à peine 30 ans…
Pour la continuité aérodynamique, des bavettes avaient été ajoutées entre tous les véhicules de la rame.
2B, JPT, GB