Par GB, PM, CM le 26 Mai 2025.
Pour le prolongement des voies de Paris Austerlitz jusqu’à la gare quai d’Orsay, la compagnie du Paris Orléans (PO) décide d’employer la traction électrique pour assurer la remorque des trains entre les deux gares. Une gare intermédiaire est installée sur ce court tronçon de quatre kilomètres à St Michel Notre Dame.
La gare quai d’Orsay est établie sur l’emplacement des ruines du palais de la cour des comptes détruit lors de la commune et de la caserne du quai d’Orsay, l’ensemble ayant été cédé par l’état au PO.



Le choix de l’électrification se justifie par :
-Contrainte de la fumée dans un milieu fermé sur les différents souterrains du parcours.
-Stationnement des engins vapeur entre deux trains en gare quai d’Orsay nécessitant une installation de ventilation onéreuse de la gare.
-Importants mouvements de machines HLP entre la gare d’Orsay et le dépôt.
La compagnie du PO envoie une mission aux Etats Unis pour visiter les installations de Baltimore et de la ligne New York-Boston électrifiée partiellement sur 17 km. La délégation étudie les locomotives General Electric sur châssis unique et reposant sur deux bogies type BB.
Parallèlement des études sont lancées en France pour comparer les deux modes de traction déjà exploités aux Etats-Unis et en Angleterre et particulièrement le rendement financier de l’électrification. La disponibilité des locomotives électriques est presque totale entre deux passages en atelier pour tournage des roues tous les 56 000 km. Le courant consommé en tonne kilomètre brute remorqué correspond à peu près à 220 g de charbon.
Une usine de production électrique est construite à Ivry sur Seine. Elle alimente en triphasé 5500V les trois sous-stations construites, Ivry, Paris Austerlitz et Paris quai d’Orsay.
Dans le cadre de ces travaux, l’électricité est utilisée pour remplacer l’éclairage au gaz par un électrique en gare d’Ivry et d’Austerlitz et d’alimenter les deux nouvelles gares construites.
La section Paris Austerlitz-Orsay est alimentée par troisième rail 600 V et par conducteur aérien constitué d’un fer en T sur isolateurs en bois dans la zone d’aiguilles de la gare du quai d’Orsay.

Le troisième rail est constitué d’un rail double champignon placé parallèlement aux rails de la voie. Il est placé dans l’entrevoie et plus haut que le plan de roulement. Il est supporté au moyen de blocs de bois bitumé isolant posé sur des traverses spéciales plus longues que celles de la voie courante. Les liaisons entre coupons de rails sont assurées par deux connections en fil de cuivre de 120 mm2. Le retour de courant se fait par les rails de roulement, pour cela à chaque joint, les deux rails sont reliés par deux connexions en fil de cuivre de 120 mm2. Lors d’interruption du troisième rail pour passage planchéié ou aiguille, un câble de 950mm2 de section relie les deux éléments de rails.


Sur ce rail s’appuient les frotteurs des locomotives.
Les frotteurs des locomotives sont constitués par des palettes portées latéralement par le châssis de bogies.
La section est mise en service le 28 mai 1900, la gare quai d’Orsay est inaugurée le 14 juillet 1900 dans le cadre de l’exposition Universelle.


Tous les trains s’arrêtant en gare de Paris Austerlitz dans les deux sens de circulation, cela permet le changement de machines.

Engins de traction.
Locomotives E1 à E8.
Le PO commande huit machines, elles sont construites par Blanc-Misseron sous licence General Electric en C° et immatriculées E1 à E8.

Les machines sont constituées d’une caisse sur châssis rigide comportant l’appareillage dans deux compartiments encadrant une cabine centrale vitrée dans toutes les directions, dans laquelle sont installés les appareils de commande et de contrôle. Le châssis de caisse repose sur deux bogies par l’intermédiaire de pivots.


Bogies.
Les longerons de bogies, d’une seule pièce, sont en tôle d’acier découpée.
Les moteurs sont suspendus par le nez.
Transmission unilatérale par engrenages droits rigides.
Suspension et liaison boites d’essieux longerons de bogie par l’intermédiaire de ressorts à lames agrafés à la boite avec tiges de suspension pour liaison avec le châssis.
La liaison et suspension de la traverse pivot avec les longerons de bogie sont assurées par des ressorts à pincette. Un dispositif de rappel assure le centrage des bogies dans les courbes.
Equipements électriques.
Les résistances de démarrage sont placées dans les capots avant et arrière.
Moteurs tétrapolaires, excitation série.
Interrupteur principal à rupture brusque.
Interrupteur automatique à soufflage magnétique.
Quatre frotteurs latéraux en partie basse fixés sur les bogies, un frotteur en partie haute, sur le toit de la cabine pour prise de courant aérienne.

Cabine.
Régulateur série parallèle. Le vocable »régulateur » est emprunté à la traction vapeur. Il sera remplacé dans les années 20 par manipulateur.
Ampèremètre, Voltmètre et Wattmètre.
Régulateur composé d’un cylindre placé au centre de la cabine, actionné au moyen d’une manivelle et munis de contacts en cuivre permet de relier les moteurs en série par groupe de deux, puis les quatre en parallèle et d’éliminer les résistances de démarrage.
Un groupe moto compresseur placé dans un compartiment appareillage fournit l’air aux deux réservoirs de frein. Le fonctionnement est automatique en fonction de la pression d’air.
Frein automatique système Wenger.
Le cylindre de frein est placé entre les bogies sous la cabine de conduite. L’effort est transmis aux sabots par l’intermédiaire de timoneries de frein.


Caractéristiques :
Long HT : 10,609m.
Larg HT : 2,918m.
Hauteur au-dessus du rail : 3,891m.
Distance entre essieux : 2,388m.
Distance entre pivots de bogies : 4,877m.
Empattement total : 7,265m.
Diamètre des roues : 1,245m.
4 moteurs de 200 chevaux chacun.
Rapport de démultiplication : 4,1.
Tare : 46000kg.
Vitesse limite : 70 km/h.
Puissance uni horaire :1080 CV sous 600V, continue : 680 CV sous 600V.


Prolongement de l’électrification.
Le 6 décembre 1899, la compagnie du PO demande l’autorisation de doubler le nombre de voies entre Paris Austerlitz et Brétigny. Dans le cadre des travaux, la section Paris Austerlitz-Juvisy est électrifiée en 600V troisième rail pour améliorer le service banlieue et éviter le changement de machines en gare d’Austerlitz. Seules les voies banlieue sont équipées de troisième rail. Le PO en profite pour installer l’éclairage électrique et l’électricité dans toutes les gares jusque Juvisy excepté. La gare de Juvisy sera équipée de l’éclairage électrique en 1907.
Le rail de prise de courant est réalisé en ancien rail Vignole en acier doux de 52 kg/m, barre de 22m. Dans la traversée des gares et dans les zones d’intervention des agents, le rail est protégé par des planches pour éviter les électrocutions.
Le 01 juillet 1904 la section Paris-Juvisy est mise en service.
Cinq nouvelles locomotives sont commandées ainsi que cinq automotrices pour trains omnibus et mises en service en 1904/05.
Locomotives E9 à E13.
Elles sont construites par Blanc-Misseron sous licence General Electric C° et immatriculées E9 à E13. Châssis et caisse entièrement métalliques.


Elles sont identiques dans la conception au huit premières, mais la caisse comporte deux cabines avec un espace fourgon au centre. Les bogies et les équipements électriques sont identiques. Chaque cabine comporte un poste de conduite. Tous les équipements électriques sont disposés aux extrémités du châssis et reliés entre eux par une canalisation passant dans le châssis.
Un commutateur permet d’effectuer différents couplages des 4 moteurs de traction :
Quatre moteurs en série
Deux fois deux moteurs en parallèle
Quatre moteurs en parallèle
Dans chaque cabine est logé un compresseur ainsi qu’un réservoir d’air pour alimenter les équipements de freins.
Le rapport d’engrenage est de 2,23 de manière à pouvoir circuler à 100 km/h HLP ou à 70 km/h avec une charge de 200 tonnes.

Caractéristiques :
Long HT : 11,371m.
Larg HT : 3,100m.
Long Châssis : 10,211m.
Hauteur au-dessus du rail : 3,872m.
Distance entre essieux : 2,388m.
Distance entre pivots de bogies : 5,639m.
Empattement totale : 8,027m.
Diamètre des roues : 1,245m.
4 moteurs de 200 chevaux chacun.
Rapport de démultiplication : 2,23.
Tare : 53000kg.
Vitesse limite : 100 km/h.
Puissance uni horaire :1080CV sous 600V, continue : 680 CV sous 600V.

Automotrice Electrique AE1 à AE5.
Elles sont construites par Blanc-Misseron sous licence General Electric C° et immatriculées AE1 à AE5, AE pour Automotrice Electrique. Elles sont mises en service en 1904.



Elles assurent les services omnibus entre la gare du quai d’Orsay et Juvisy en unité multiple encadrant sept voitures. Une automotrice à chaque extrémité évite les manœuvres aux terminus. Une motrice reste en réserve à Austerlitz. Elles desservent les 8 arrêts entre quai d’Orsay et Juvisy. Capacité de la rame 520 places, poids à vide de 175 tonnes.

Les automotrices comportent :
Trois compartiments de troisième classe de 1,550m avec banquettes en bois.
Un compartiment fourgon à bagages de 4,500m.
Une cabine de conduite à chaque extrémité.
La construction est mixte métallique bois. La partie voyageurs comporte une ossature et un plancher en bois. Les cloisons et l’intérieur du compartiment fourgon sont en bois.
Panneautage extérieur et pavillon en tôles ainsi que le plancher du fourgon.
Cabines de conduite et compartiment électrique entièrement métalliques.

Les connexions pour les câblots d’Unité Multiple sont bien visible à l’avant sous les vitres frontales.

Equipements électriques.
Les équipements et appareillages électriques sont situés au niveau de chaque cabine. Une canalisation placée sous le châssis permet de relier les équipements.
Commande des moteurs par interrupteurs à relais magnétique. En nombre égal au nombre de crans de démarrage. Chaque groupe de deux moteurs par bogie est indépendant au niveau de la commande.
Commande en unité multiple par système Sprague-Thomson-Houston.
Quatre frotteurs latéraux, deux par bogies, montés dans l’axe du bogie et un frotteur en toiture pour prise de courant aérienne
Eclairage et chauffage électrique des compartiments voyageurs.
Bogies.
Bogies en acier avec traverse pivots. Double suspension au niveau des boites d’essieux et au niveau de la traverse pivot.
Moteurs suspendus par le nez. Ils sont identiques à ceux des locomotives.
Transmission unilatérale par engrenages rigides
Couplage des moteurs en série ou parallèle par groupe de deux par bogie.

Caractéristiques :
Long HT : 17,360m.
Larg HT : 3,100m.
Hauteur au-dessus du rail : 3,808m.
Distance entre essieux : 1,981m.
Distance entre pivots de bogies : 12,400m.
Empattement total : 14,381m.
Diamètre des roues : 1,016m.
4 moteurs de 125 chevaux chacun.
Rapport de démultiplication : 3,08.
Tare : 42000kg.
Vitesse limite : 80 km/h
Puissance uni horaire : 500 CV sous 600V, continue : 500 CV sous 600V.
Frein Westinghouse à action rapide et frein à vis.
En 1907 deux autres automotrices sont mises en service pour augmenter la desserte. Elles sont immatriculées AE6 et AE7. Elles sont légèrement plus longues du fait d’une nouvelle disposition du compartiment voyageurs. Elles sont identifiables du fait de la présence de cinq portes de compartiment par face.
Long HT : 17,920m.
Empattement total : 14,841m.






Modification des E1 à E8.
Pour uniformiser le matériel, le PO modifie en 1905 le rapport d’engrenage de sept ‘’ boite à sel ’’ E1 à E8
Rapport d’engrenages 2,23 au lieu de 4,10, permettant une vitesse limite de 100 km/h.
Une machine réservée aux manœuvres en gare d’Orsay conserve son rapport d’engrenages d’origine.
Augmentation des moyens de traction
Locomotives E 21 à E 25.
L’augmentation constante du poids des trains entre Orsay et Juvisy ainsi que le projet de prolonger le troisième rail jusque Orléans amène la compagnie du PO à commander en 1913 des machines plus puissantes pour remplacer les E1 à E13.

Le cahier des charges est le suivant :
-Vitesse limite 100 km/h.
-Inscription dans des courbes de 150 m de rayon.
-Démarrer des trains de 250 tonnes.
-Passer sur les chariots transbordeur de la gare d’Orsay.
Après différentes études et aux vues des réalisations des différents constructeurs, le PO passe commande au constructeur BROWN BOVERI SLM pour cinq machines. La guerre retarde la livraison des engins.
Les machines sont livrées en 1920. Elles sont du type 1D1 à quatre essieux moteurs couplés par bielles et bisels. Les moteurs sont placés dans la partie centrale entre les deux cabines.
Elles sont immatriculées E21 à E25.

Constitution de la machine.
Le châssis est constitué de deux longerons en tôle épaisse et reliés par les traverses de tête et quatre entretoises. Les deux moteurs sont montés au centre du châssis de la locomotive.
Les essieux moteurs sont montés dans des boites d’essieux intérieures. Les ressorts à lames sont agrafés en partie basse des boites. Les ressorts sont reliés en entre eux et au châssis par des balanciers. Les essieux centraux forment un ensemble rigide, les deux autres se déplacent latéralement de 37 mm pour permettre l’inscription dans les courbes. Les bissels sont à déplacement libre et rappel par ressorts à spirale et timon, ensemble du type Winterthur.
Caisse.
La caisse entièrement métallique est en trois parties :
-Deux cabines aux extrémités fixées à demeure.
-Une partie centrale avec parois amovibles pour l’entretien.
Dans la partie centrale sont disposés les deux moteurs. Entre les deux moteurs un châssis métallique supporte les quatorze contacteurs des couplages des résistances du rhéostat, au-dessus les résistances du rhéostat et en dessous le groupe moto-ventilateur de refroidissement. Au dos de chaque cabine sont disposés, dans une armoire, les contacteurs de couplages et d’inversion.

Moteur de traction et transmission.
Moteur à courant continu 600V déca polaires type GLM 140/10 Brown Boveri.
La transmission est du type bilatéral par engrenages élastiques et bielles isostatiques. De chaque côté de l’arbre de l’induit moteur, un moyeu élastique avec boutons entraine les bielles. Bielles calées à 90° l’une par rapport à l’autre.

C: Palier glissant.
D: Axe de la grande bielle inclinée B1.
B1et B2 Bielles de liaison avec le moyeu élastique placé sur l’arbre moteur.
Appareillage électrique.
8 frotteurs latéraux, deux de chaque côté des bissels et deux en toiture permettent de capter le courant de traction.
Dix fusibles à soufflage magnétique protègent chaque prise de courant (frotteur). Chaque circuit de traction et moteur est protégé par un interrupteur à soufflage magnétique (fonctionnement identique à un disjoncteur à maxima d’intensité).
Démarrage et réglage de la vitesse par contrôleur Thomson-Houston à contacteur électromagnétique à 22 crans :
-14 crans de démarrage série.
-1 cran marche en série.
-6 crans démarrage parallèle.
-1 cran marche en parallèle.
Auxiliaires.
Un groupe ventilateur entrainé par un moteur de 15 chevaux à 1100 tr/min entraine deux ventilateurs débitant 4,2 m3 /sec chacun. L’air est aspiré par les persiennes latérales, il est rejeté en toiture après passage par les moteurs et les bancs de résistance.
Deux compresseurs d’air entrainé par moteur de 8 chevaux fournissent l’air au réservoir principal de 1500 litres. Ils sont commandés par régulateur automatique à pression d’air. Chaque roue motrice est freinée par un sabot.

Caractéristiques:
Long HT: 12,200m.
Larg HT : 3,10m.
Distance entre essieux moteur centraux : 1,750m.
Distance entre essieux moteur centraux et extrême : 1,575m.
Empattement total : 8,70m.
Diamètre des roues motrices : 1,50m.
Diamètre des roues des bissels : 0,86m.
Tare : 87210kg.
Ces machines s’avèrent très difficiles à mettre au point et ne donnent pas satisfaction à la compagnie du PO.

En 1921 le PO décide d’électrifier la ligne Paris Austerlitz-Vierzon en 1500V continu par caténaire. Des commandes pour de nouveaux engins de traction sont passées en août 1921. Le 22 décembre 1926, l’inauguration de la traction électrique entre Paris Austerlitz -Vierzon sonne le glas pour le matériel 600V troisième rail.
Les 1D1 E21 à E25 sont radiées.
Les machines E1 à E13 sont garées en attente de transformation pour le 1500V continu. Ceci fera l’objet d’un dossier dans Docrail.