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241.101 ETAT – 242 A 1 SNCF.


241.101 ETAT.

Par GB, TJP, 2B, CM. Le 14 août 2025.

Au cours des années 1920, l’incorporation de voitures métalliques dans la composition des trains augmente la charge à tracter. Les Pacific sur le réseau de l’ETAT assurent la traction des grands trains sur les artères Paris-Le Havre et Paris-Cherbourg. Elles sont à la limite de leurs capacités, la puissance insuffisante ne permet pas d’améliorer les temps de parcours.

Monsieur Raoul Dautry, directeur du réseau, décide d’effectuer en 1929 des essais de traction de train de 600 tonnes sur la relation Paris-Cherbourg avec une Pacific Nord 3.1200 et une Mountain Est 41000 (future 241 A 1 à 90 Est) pour comparer les performances par rapport aux machines du réseau. Ces essais ont pour but de déterminer les caractéristiques d’une machine capable d’assurer la traction des futurs trains Transatlantique.

Seule la Mountain 41000 de l’Est permet de diminuer les temps de parcours et d’augmenter la charge. Les études d’une nouvelle machine sont lancées, mais dans un premier temps le réseau de l’ETAT décide d’acheter en fin d’année 1929 des machines Mountain type EST.

Présentation de la 241.101, machine prototype, aux ateliers de Sotteville Quatre Mares dans sa version d’origine en octobre 1932.
241.101 ETAT en état d’origine aux ateliers de Sotteville Quatre Mares. Deux images.

La nouvelle machine du type 241 est étudiée par les services traction du réseau en collaboration avec l’Office Central d’Etudes de Matériel (OCEM). Elle est dénommée  »Super Mountain » et doit pouvoir assurer la remorque de trains de 800 t à 120 km/h, composés des nouvelles voitures métalliques Transatlantique en construction.

La commande est passée aux ateliers de Fives-Lille. La machine sort entre deux lots de Mountain Est.

Publicité de la Compagnie de FIVES-LILLE dans la RGCF de 1932 et 33 avec la 241.101 ETAT. Deux images.

Elle est mise en service en septembre 1932 sous la numérotation 241.101. Elle est dessinée par monsieur PACON architecte de la gare du Havre.

On retrouve dans cette machine une certaine similitude de silhouette avec les machines AL étudiées par l’OCEM. Elle reprend aussi la traverse avant, la porte de boite à fumée et l’abri coupe-vent du style PLM.

Vue en élévation de la 241.101 ETAT. Deux images
Plaque constructeur apposée sur l’avant gauche de l’abri avec numéro de construction n° 4800.

La livrée adoptée tranche avec les précédentes, même si d’autres machines antérieures furent décorées en gris :

-Livrée gris clair.

-Cornières de tablier rouge.

-Inscriptions ETAT et immatriculation de la machine et du tender sont sur des plaques en duralumin sur fond rouge. La surface des lettres et des chiffres est polie, le marquage à l’arrière du tender est en chiffres blancs peints.

Couverture de la revue La Science et la Vie de mai 1933 avec la 241.101 ETAT en couleur.

CARACTERISTIQUES :

-Chaudière de grande dimension timbrée à 20 hpz.

-Simple expansion.

-Trois cylindres.

-Surchauffeur Schmidt à quatre éléments (120 tubes), température de surchauffe 400°c.

-Boite à feu du type débordante en berceau, chambre de combustion du foyer en cuivre rouge.  

-Distributions à soupapes système Renaud. Monsieur Renaud est ingénieur et directeur des ateliers de Sotteville Quatre Mares. La distribution à soupapes et cames rotatives Renaud, quatre soupapes par cylindre, deux d’admission et deux d’échappement, prend son mouvement par un triangle sur l’embiellage côté droit entre les 2eme et 3eme essieux.  

Distribution à soupapes Système RENAUD. Les capots de protection avec filtre sont relevés. Deux images.
Le triangle de prise de mouvement de la distribution est placé sur le 2eme et 3eme essieu moteur.

-Surface de grille 4,8m2 .

-Le foyer est alimenté par un chargeur mécanique de combustible type Simplex B à vis sans fin. C’est la première machine ainsi équipée. L’absence de charbon calibré oblige à installer un broyeur de charbon au niveau du tender.

Sous la plateforme de l’abri, le moteur à vapeur de chargeur mécanique visible côté gauche de la machine.

-Plateforme Mestre.

-Echappement à trèfle.

-Ramoneur à vapeur type Dalmar.

-Alimentation en eau par réchauffeur ACFI type RM et deux injecteurs en charge type U1 et U3.

-Cylindres extérieurs attaquant le deuxième essieu. Diamètre des cylindres: 530mm, course des pistons 760mm.  

-Cylindre intérieur attaque le premier essieu. Diamètre du cylindre: 570mm, course du piston 650mm.

-Diamètre des roues motrice 1,950m charge à l’essieu 20t.

-Bogie, diamètre des roues 0,970m.

-Bissel, diamètre des roues 1,30m.

-Dynamo électrique.

-Longueur de la machine 17,765m et 26,535m avec tender.

-Poids à vide 116,300t, poids total en service 128,260t, poids adhérent 80,020t.  

-Vitesse limite, 120km/h.

241.101 vue de face. La porte de boite à fumée est du style PLM.
Vue intérieur de l’abri de la 241.101
La 241.101 en relais dans le dépôt des Batignolles .

TENDER

Tender 34.101

Construit par Beaume et Marpent. La caisse est réalisée en tôles d’acier soudées et rivetées.

Capacité en eau: 34 m3.

Charbon: 11,400 tonnes.

Bogies à boites à rouleaux SKF.

Diamètre des roues: 1,10m.

Ecope Ramsbotton pour prise d’eau en marche.

La 241.101 refoulant sa rame entre Paris-St Lazare et les garages de Levallois.

MISE EN SERVICE ET ESSAIS.

La mise au point est difficile et les premiers essais laborieux. Dès octobre 1932, des problèmes de lubrification de la distribution obligent à revoir le graissage. Une pompe à huile centrifuge est installée. En décembre 1932 nouveau passage à l’atelier de Quatre Mares pour modification de la commande des soupapes de distribution.

Lors des essais, passage à Pont Cardinet en tête du 101 Paris-Le Havre. Juste derrière la locomotive se trouve la voiture technique d’accompagnement sur base OCEM PL.

Le 17 décembre présentation de la 241.101 aux ateliers de Sotteville Quatre Mares devant le directeur de l’OCEM et des délégations des chemins de fer étranger. Ensuite la machine est exposée en gare de Paris-St Lazare pour présentation au public sous le nom de Super Mountain.

La 241-101 stationne au dépôt des Batignolles avec la locomotive Buddicom 12 010 restaurée, en décembre 1932 avant son exposition en gare St Lazare. Deux images.
Pour faire ressortir la puissance et les dimensions de la  »Super Mountain » ETAT, elle est exposée avec la Buddicom. Ateliers de Sotteville Quatre Mares.
La Super Mountain 241.101 lors de l’exposition de décembre 1932 en gare de Paris-St Lazare.

En 1933, changement de l’échappement pour un échappement Kylchap IK/T à six lobes. À la suite de nombreuses fuites des caisses à eau du tender, reprise de l’assemblage des tôles par rivetage.

Elle est mise en service au dépôt des Batignolles pour assurer des trains sur l’axe Paris-Le Havre. Elle n’assurera jamais sa mission sur l’itinéraire Paris-Cherbourg en service régulier. L’armement de la voie et les rails de certaines portions de la ligne équipées de rails double champignon, limitent son utilisation. Les incidents mécaniques sont nombreux, elle ne répond pas aux attentes du réseau.

La comparaison des deux photos, ci-dessus et dessous, permet de voir les différentes modifications des équipements sur le tablier au cours de la courte carrière du prototype.

La faiblesse du châssis, le rappel à ressort défectueux du bogie, du bissel et la longueur de la machine lui interdisent certaines voies de faisceau ou des dépôts et le passage des aiguilles de faible rayon.

En octobre 1934, affectée au dépôt de Montrouge la 241.101 effectue quelques courses sur l’itinéraire Paris-Chartres puis quelques tournées occasionnelles jusqu’à Rennes. Le stoker ne donne pas satisfaction du fait du broyeur, ainsi que l’écope de prise d’eau.

En 1935 elle est présentée à l’exposition universelle de Bruxelles.

En 1936, sans utilisation, elle stationne au dépôt d’Achères. Elle est utilisée à poste fixe pour des essais de production de vapeur et de relevés de pression.

La 241.101 au dépôt d’Achères avec les installations de mesures pour les essais de vaporisation. Sur l’avant droit de la traverse avant, la cabine de mesure des pressions. Les bielles motrices sont déposées au niveau des cylindres.

Sans activité elle est basée en 1937 au dépôt de Mans.

La toute jeune SNCF la numérote 241 B 101 en 1938 et son tender 34 A 1.

Vue de la 241.101 au dépôt du Mans en 1939. La renumérotation 241 B 101 est faite uniquement sur le papier, la machine conservera son immatriculation d’origine , seul l’indice 3 sur la traverse est ajouté. Il désigne la région Ouest. Quatre images
Publicité du réseau de l’ETAT pour l’eau de source  »Chalet » qui apparente l’homme à la Super Mountain !

242 A 1 SNCF.

Une avarie du cylindre intérieur au cours de l’été 1939 immobilise la 241.101 . Elle est acheminée sur l’atelier de Sotteville Quatre Mares en 1940 et garée en attente de transformation. Le tender est garé à St Etienne du Rouvray. Profitant de l’arrêt de la machine, Monsieur André Chapelon propose de la modifier pour tester le moteur compound à trois cylindres.

Pour cela, la machine est complétement démontée, une chaudière neuve est construite. Le châssis est renforcé par des entretoises en acier et par une tôle en partie supérieure des longerons. Tous ces nouveaux renforts sont soudés sur le châssis d’origine. Malheureusement les bombardements alliés du 20 mars 1943 détruisent la nouvelle chaudière et une importante partie des ateliers.

En 1945 les travaux sont repris par les Forges et Aciéries de la Marine et d’Homécourt à St Chamond.

La 242 A1 est mise en service le 25 avril 1946.

Deux vues en élévation de la 242 A1 et de son tender. Ce dernier n’a subi que des transformations mineures.
Deux vues en élévation de la machine en sortie d’atelier sans son tender.

Locomotive et son tender reçoivent la livrée vert unifiée SNCF avec pare-fumées et dessus de cabine noir.

Le renforcement du châssis et la modification des cylindres augmentent le poids de la machine. Ce dépassement ne permet plus la configuration 241 et conduit à remplacer le bissel par un bissel Delta à deux essieux.

Bissel Delta . La machine a conservé le moteur à vapeur du stoker d’origine de la 241.101 ETAT.
Une enveloppe en tôle recouvre la chaudière ainsi qu’une grande partie de la tuyauterie. Ceci améliore l’esthétique de la machine avec les pare-fumées modernes.
Levage de la machine sans son train de roues.

Caractéristiques:

-Un foyer débordant en acier avec chambre de combustion.

-Deux siphons Nicholson.

-Une grille Hulson de 5 m2.

-Surchauffeur Houlet , température de surchauffe 420°c.       

-Echappement Kylchap triple à trois cheminées.

Vue du dessus de la chaudière avec à l’avant l’échappement Kylchap à trois cheminées et les deux soupapes type Coale placées en arrière du dôme.

-Cylindre Haute Pression (HP) intérieur de 600 mm course de 720mm attaquant le premier essieu.

La prise de mouvement pour le cylindre HP intérieur se fait sur le troisième essieu côté gauche de la machine.

-Cylindres Basse Pression (BP) extérieur de 680 mm course de 760mm attaquant le deuxième essieu.

-Une distribution Walschaërts par cylindre avec deux arbres de relevage indépendants (un pour chaque pression).

Nouveaux cylindres extérieurs BP et nouvelle distribution pour la 242 A 1. Les pistons ne comportent pas de contre tige.

-Les roues motrices sont celles de la 241.101.

Le train de roues motrices est celui de la 241.101, les nouvelles bielles sont à corps évidé.

-Le bogie avant a été reconstruit et les essieux comportent des boites à rouleaux Timken. Rappel à gravité à rouleaux.

-Le bissel comporte des longerons en acier moulé et des boites d’essieux S.K.F.

-Les deux essieux le composant ont des roues de diamètre inégal. Essieu avant, diamètre 0,970m. Essieu arrière, diamètre 1,110m. 

-La machine reçoit de nouveaux écrans pare-fumées dans le style des vapeurs unifiés.

-La plateforme Mestre est conservée.

-Compresseur bi-compound encastré dans le tablier de droite.

-Vitesse limite 140 km/h.

Vue de 3/4 arrière de la machine avec plateforme Mestre et moteur vapeur du stoker.
La porte d’origine est conservée , elle est coiffée d’une porte bombée plus aérodynamique.
Vue de l’intérieur de l’abri avec la plateforme Mestre d’origine. Au centre la canalisation du Stoker.
Deux vues de la machine seule. L’abri d’origine a été conservé, mais l’avant a été repris pour donner une impression de puissance.
Caractéristiques et dimensions de la 242 A1.

Tender.

Tender 34 A 1 de la 242 A1.
Tender 34 A1, vues des extrémités.
Tender 34A 1 vue de profil avec l’écope entre les deux bogies.

Il subit peu de modification, une nouveau stoker H.T est installé à la place de l’ancien.

L’équipement de Traitement Intégral Armand (T.I.A) pour l’eau d’alimentation est installé. 

MISE EN SERVICE ET ESSAIS.

Les premiers essais ont lieu le 25 avril 1946 entre Givors et St Etienne.

242 A 1 stationnant sur un faisceau. Elle a surement participé à une cérémonie. La présence de drapeaux Français à l’avant de la machine et sur le tender en attestent.

Des essais plus poussés ont lieu entre Lyon et St Germain des Fossés via St Etienne. S’en suit une longue campagne d’essais sur différentes sections de ligne : Paris-Lyon, Paris-Caen.

Lors des essais sur la région Ouest, la 242 A1 démarre de Lisieux en avril 1947.
Toujours lors des essais sur la région Ouest passage en gare de Houilles.
Présentation de la machine avec une 141 R placée derrière.

Une fuite au cylindre haute pression due à une fissure interrompt les essais. La machine est acheminée aux ateliers de Sotteville Quatre Mares pour remplacement du cylindre HP en fonte par un cylindre en acier moulé.

La 242 A1 en sortie des ateliers de Quatre Mares après le remplacement du cylindre HP fissuré en 1948.

Les essais sont repris en 1948 sur l’axe Paris-Dijon, puis sur le Nord entre Paris-Calais et Paris-Lille.

De nombreux passage au banc d’essais de Vitry permirent de soutenir en régime continu une puissance de 4000 ch au crochet ; ce qui en fait la machine la plus puissante d’Europe.

Passage sur le banc d’essais de Vitry sur Seine. Une cabine de mesures est installée sur le tablier de droite après le pare-fumée.

En janvier 1951 elle est affectée au dépôt du Mans où elle assure des courses dans le roulement des 141 P.  En 1954 elle est garée dans ce dépôt et mise en réparation différée, puis en attente d’amortissement. Elle est radiée des inventaires le 21 octobre 1960 et découpée à St Brieuc le 28 février 1961.       

Octobre 1956, garée  »bon état » au dépôt du Mans, la machine attend de connaître son sort.

Lors des essais cette machine a atteint la vitesse de 160 km/h.

Cette machine aux performances remarquables est arrivée trop tard, la fée électricité étendait déjà sa toile.