Par 2B, BR, FP, GB, PB, SL, TJP. Le 13/03/2021.
La neige.
Elle embellit les paysages en les recouvrant de son beau manteau blanc, elle ravit les petits et les grands, mais aussi elle ralentit les transports ou parfois les paralyse.
Pour lutter contre la neige, le Chemin de fer utilise divers matériels pour débloquer les voies fortement enneigées, il y a les socs installés sur les locomotives, les wagons chasse-neige poussés par une ou deux locomotives ou les engins spécialisés comme le CNS ou les Beillack.
L’effectif de ces engins est de 47 unités aujourd’hui soit 32 wagons socs, 7 draisines DU 65 équipées d’étrave chasse-neige, les CN1 et CN2 de Toulouse, le CNS d’Aurillac, les CN 1 à 3 Beilhack de Chambery et Dijon, pour la voie métrique le CN4 Beilhack, la Z 691 à turbines et les Z 201-202 du train jaune, ils sont positionnés stratégiquement sur le réseau prêts à intervenir en cas de fortes chutes de neige.
Sur les lignes de montagne, des triangles de relevage jaunes sont implantés aux abords des voies. Ils permettent d’identifier les équipements de la voie recouverts de neige qui risquent d’être arrachés par l’étrave du chasse-neige. Le triangle pointe en haut indique qu’il faut relever l’équipement du chasse-neige, le triangle point en bas indique qu’il faut abaisser l’étrave du chasse-neige.
Lors de chutes de neige ou lorsque les voies sont couvertes de poudreuse, la neige s’infiltre et s’agglomère entre les semelles de frein et les roues, ou entre les plaquettes et les disques de frein. Une épaisseur de glace se forme, celle-ci diminue l’efficacité du frein et allonge les distances de freinage pour les arrêts et les ralentissements. La vitesse accroît la formation de glace sur les disques. Pour réchauffer la température des disques et des semelles de frein, afin de faire fondre la glace, il est nécessaire d’utiliser les freins régulièrement.
Un conducteur en tête d’un train sur voie enneigée doit freiner fréquemment pour réchauffer les freins et s’assurer de leur efficacité.
L’adhérence entre la roue et le rail est dégradée, ce qui provoque des patinages fréquents, une perte de vitesse et de temps.
Une circulation sur une voie enneigée peut être dangereuse pour les personnes qui sont aux abords des voies, l’accumulation de neige sous les châssis des trains et les bogies peut former des blocs de glace qui risquent de se détacher par vibrations ou lorsque la température se réchauffe. Les blocs de glace rebondissent sur les rails et se transforment en projectiles qui peuvent détériorer les installations ou le matériel.
Sur les LGV (Ligne à Grande Vitesse TGV), il est fréquent qu’une vitre d’un train croiseur soit brisée par ces projections (surtout depuis que les rames Duplex circulent, les vitres du niveau inférieur étant très basses). Pour palier ce problème, tant qu’il reste de la neige sur la plateforme, les trains sont limités en vitesse à 220 ou 230 km/h sur LGV, voire 160 ou 170 km/h (un TGV roule à 300 ou 320 km/h sur certaines lignes, au croisement de 2 TGV la vitesse de l’impact d’un bloc de glace qui se détache serait de 600 ou 640 km/h!!!). Les passages successifs des circulations chassent rapidement la neige qui repose sur les voies.
La traînée de neige poudreuse est une ennemie pour le matériel électrique, elle s’infiltre dans les compartiments moteurs des engins moteurs, pour remédier à cela sont installées des toiles de protection à l’intérieur des persiennes pour retenir ces particules glacées.
Les attelages types Scharfenberg des automotrices sont vulnérables lors de chutes de neige, celle-ci s’engouffre dans les orifices de passage d’air et de liaison mécanique. Les housses pare-neige sont installées dès les premiers flocons à la première occasion favorable (Terminus du train) ou sur ordre du régulateur de la ligne.
L’accumulation de neige peut endommager les infrastructures, les aiguillages sont équipés de réchauffeurs pour permettre la mobilité des lames d’aiguille.
Les quais de gare sont déblayés par des cheminots pour la sécurité des accès aux quais, soit manuellement à la pelle ou avec une déblayeuse mécanique. Du sel ou du sable peut-être répandu, plus récemment un produit liquide à été testé en pulvérisation pour dégeler les quais de la ligne D et R.
Un soir de décembre 2009, j’assurai le ter Bourgogne 891064 Dijon-Paris en R 160 (voir sujet Docrail 7200 R R-22200 R), composé de 7 voitures corail avec B5uxh réversible en tête et BB 7248 R en pousse, longueur 202 mètres et masse 428t. Il neigeait depuis l’après-midi, alors que roulais à 150 km/h environ vers Lezinnes, j’ai constaté une disjonction de la locomotive.
J’ai effectué le sondage « Disjonction », afin de déterminer la provenance de l’anomalie:
- La tension ligne dans la caténaire était présente.
- Fermeture du DJ (Disjoncteur) ça tient, il reste fermé.
- Remise en service du compresseur, des ventilateurs et du chauffage train, le DJ reste fermé.
- Je reprends l’effort moteur, nouvelle disjonction, je referme le DJ.
- Je reprends l’effort moteur une deuxième fois, la disjonction se renouvelle.
- Je referme le DJ car j’ai droit à une dernière tentative de reprendre l’effort moteur, ça disjoncte à nouveau.
- Je referme le DJ pour remettre en service la locomotive et le chauffage train.
Je vais devoir m’arrêter pour consulter le guide de dépannage.
J’avise le régulateur de la ligne Paris-Dijon qu’au prochain arrêt si j’y parviens je dois faire du dépannage.
Mais celui-ci m’a demandé de m’arrêter avant le prochain signal en laissant de la place pour une locomotive entre ce signal et la tête de mon train, une 7200 R Haut le Pied qui descendait de Laroche-Migennes était à quelques kilomètres, au cas ou je demanderai le secours celle-ci pourrait assurer le train.
Le train arrêté et immobilisé, j’applique le guide de dépannage qui me demande de poursuivre les opérations depuis la locomotive en queue de train. Je suis monté sur la locomotive, dans le couloir du compartiment moteur, de la neige poudreuse s’était infiltrée.
Je remets en service la cabine de conduite de la 7248, le guide de dépannage me demande d’isoler les moteurs un par un et de tenter un essai de traction, le disjoncteur restait fermé dès l’isolement du moteur 1, en conclusion celui-ci avait flashé à cause de la neige infiltrée. Je n’ai plus qu’un seul moteur pour assurer la pousse du train, il va falloir ménager la 7248.
Je retourne coté B5uxh, mais je dois calculer si je peux poursuivre le parcours à demi-puissance, la masse admissible d’un train de voyageurs pour les BB 7200 (couple 160) est de 1000 t sur la ligne, soit 500 t avec un seul des 2 moteurs en service.
La masse du train est de 428 t, je peux donc repartir, mais par sécurité le régulateur m’a demandé d’effectuer une demande se secours, pour effectuer un échange de locomotive en ligne.
La 7236 HLP est venue se raccorder en tête du B5uxh et la neige tombait encore. J’ai eu des difficultés pour effectuer l’attelage, les raccords d’accouplement de frein CG (conduite générale) et CP (conduite principale) en caoutchouc étaient gelés et résistaient. Même difficulté pour le dételage de la locomotive titulaire en queue.
Le conducteur de secours a repris la BB 7248 R, puis l’a acheminée jusqu’à Dijon-Perrigny avec un seul moteur en service. En circulation HLP, la puissance était suffisante.
J’ai donc pu repartir après réception des ordres réglementaires pour la remise en marche avec la BB 7236 R en tête jusqu’à Paris. Le temps passe vite lors d’un incident en ligne qu’un conducteur doit gérer, j’avais pris une 1h30 de retard mais nous sommes arrivés au terminus.
Le givre
La conséquence de la présence de givre est un mauvais captage du courant pour les engins électriques, l’archet n’est plus en contact franc avec la caténaire provoquant un arc électrique qui détériore l’archet.
Des tableaux « GIVRE » sont implantés sur certaines sections de lignes seulement en Courant continu 1500 V ( de fortes intensités étant absorbées sur la caténaire, alors qu’en 25 kV~ 50 Hz le courant traverse d’abord un transformateur qui débitera ensuite l’intensité) lorsque un conducteur rencontre un tel tableau, il doit lever le deuxième pantographe pour un meilleur captage du courant. Le premier pantographe racle la caténaire, cela permet un meilleur contact pour le deuxième pantographe. Le deuxième est abaissé lorsque le conducteur rencontre un tableau « Givre » éteint, s’il reçoit un avis verbal ou s’il constate l’absence de givre et que le captage de courant est correcte.
Avant de lever le deuxième pantographe, le conducteur doit limiter la vitesse pour certaines séries de locomotives:
-À 180 km/h pour:
- Les CC 6500 couple 200
- Les BB 7200 couple 200
- Les BB 22200 couple 200.
- Les BB 26000.
-À 150 km/h pour:
- Les BB 9200
- Les BB 9700
Certaines locomotives sont temporairement équipées d’archets racleurs pour dégivrer la caténaire, elles circulent HLP (Haut Le Pied) avec les deux pantographes levés, la vitesse est limitée à 100 km/h. Equipées ainsi elles ne peuvent être engagées sur un train commercial. Ces circulations sont prévues lorsque les bulletins météo-France annoncent des températures basses. Une quinzaine d’engins sont disséminés stratégiquement sur le réseau prêts pour une intervention. Ces locomotives ne sont pas spécialisées contre le givre, leurs archets sont simplement remplacés par des archets racleurs spéciaux.
Un archet racleur est composée d’une palette standard équipée de bandes d’usure en cuivre-acier et d’une palette équipée en acier doux repérée en jaune placée coté avant de la locomotive.
Le gel
Lorsque le thermomètre descend en dessous de zéro degré l’eau se transforme en glace. Pour protéger les circuits d’eau de refroidissement (BT basse température et HT haute température) des engins moteurs Diesel, un additif antigel est ajouté à l’eau. Si une locomotive Diesel ne stationne pas sous abri chauffé, une mise en température des moteurs Diesel est effectuée à intervalles réguliers.
Par exemple, pour une CC 72000 garée sur une voie de dépôt hors abri, il était prévu par le manuel de conduite de mettre en température le Moteur Diesel pendant 40 minutes dont 10 minutes au ralenti puis 30 minutes à la vitesse de 1110 tr/min.
Cette prescription était appliquée:
- Pour les températures comprises entre 0 et -8°C toutes les 9 heures ou avant le départ si le stationnement était supérieur ou égal à 3h.
- Pour les températures inférieures à -8°C toutes les 3 heures.
Un Moteur Diesel nécessite une température minimale de 80°C environ pour une utilisation optimale. Au fil du temps les locomotives Diesel ont été équipées de réchauffeur à Gas-oil pour éviter que celui-ci ne fige face au gel.
Pour les BB 63000 hors abri lors des stationnements, si la température risque de descendre en dessous de 0°C, il est prévu de protéger le radiateur du froid à l’aide d’une tôle recouvrant celui-ci de chaque côté.
Pour lutter contre tout ces éléments, la SNCF a mis en place des mesures pour lutter contre le froid. Lors des stationnements des agents assurent la surveillance du matériel (Surveillant de dépôt, conducteurs ou agents du Matériel). Les mesures « froid » prévoient le maintien en service des engins électriques, de manœuvrer les pantographes régulièrement afin d’éviter le gel de ceux-ci et la mise en température des locomotives Diesel comme ci-dessus. Pour le matériel du service voyageurs le maintien de service des rames avec chauffage.
Une matinée d’hiver dans les années 90, le thermomètre indiquait une température négative. Je circulais sur la partie nord de la ligne B du RER en tête d’une UM de MI 79 entre Mitry et Paris-Nord, le trafic était fluide, puis une pluie verglaçante inattendue s’est abattue sur les sols en pleine heure de pointe. Les quais sont rapidement devenus des patinoires, les voyageurs tentaient de marcher en mode « pingouin sur la banquise » pour se repartir sur les quais! Le régulateur a rapidement émis un ordre verbal par la radio Sol-Train, « Ordre à tous les conducteurs de la ligne B de circuler en marche prudente (vitesse aux alentours de 5 km/h, afin de pouvoir s’arrêter d’urgence en cas de chute d’une personne sur a voie) aux abords des quais de gare ». Les agents de gare ont répandu du sel sur les quais, la circulation normale a pu reprendre une heure plus tard. La régularité du trafic a rapidement été dégradée, mais aucun accident n’était à déplorer.
Depuis mon admission dans cette grande entreprise qu’est la SNCF, j’ai toujours entendu cette règle d’or: « La sécurité d’abord, la ponctualité après ».
Notre monde moderne essaie de maitriser tous les éléments, mais c’est Dame nature qui aura toujours le dernier mot!